Dans la pluie torrentielle battent les sabots d’Aslan, son destrier. Malénia prend la fuite. Dans sa course elle n’a pu qu’emporter son arme et son frère Miquella avec elle. Sur la selle de sa monture le jeune être divin gît, ses heures sont comptées. Elle ne se retournera pas, son cœur bat à en rompre sa poitrine et sa respiration lui brule les poumons. Elle doit fuir vite, bien plus vite.
Alors qu’elle redouble d’effort pour éviter les branches qui fouettent inlassablement son casque elle entend le martèlement de sabots de ses assaillant dangereusement se rapprocher. Les mercenaires les rattrapent. Prise de panique elle jette rapidement un coup d’œil derrière elle pour vérifier que son frère ne soit pas tombé dans leur échappée.
Ce qu’elle voit ne la rassure que brièvement, le jeune dauphin est toujours solidement harnaché à l’arrière de sa monture mais son corps demeure inerte. Les rayons de lune, jusqu’alors cachés dans le ciel chargé, dévoilent sa chevelure de soie opaline secouée au rythme du galop.
Survivra-t-il… ?
Elle secoue rapidement la tête dans une veine tentative pour chasser cette pensée de son esprit. Mais lorsqu’elle dirige de nouveau son regard sur le sentier pour continuer sa fuite inespérée, son corps est violemment projeté dans les airs. Une épaisse branche de noyer qui s’était arrachée dans la violence de la tempête l’a interceptée net. Elle s’effondre sur le sol dans un bruit sourd et métallique.
Quelques secondes, peut-être une longue minute, son corps gît dans les flaques et dans la boue. Lorsqu’elle finit par reprendre ses esprits, le tintement des grèves l’alerte. Trois hommes, pointes des lances dressées, s’apprêtent à donner l’assaut.
Elle doit se relever, vite. D’un bond agile elle se redresse, dans la hâte récupère son heaume tombé trois pieds à côté d’elle et le place sur son crâne ensanglanté. Ses assaillants, non surpris face à tant de ténacité, ont déjà rapproché leurs lances de leur cible. Ils se méfient, ils savent. Même dans cet état, elle est capable de les briser.
Pourtant, sa première pensée n’est pas à l’affrontement, mais bien pour son frère qu’elle essaie désespérément de protéger. Par-delà la visière grillagée, ses pupilles s’agitent. Elle cherche frénétiquement sa monture, son frère Miquella, un indice lui permettant de retrouver sa trace… Absolument rien. Aslan a continué sa course folle au cœur de la forêt. Qui plus est, elle est encerclée et blessée. Sa fuite se termine ici, elle doit se battre.
Elle dirige alors lentement sa main vers sa hanche pour la rapprocher de son fourreau. Alors que ses doigts caressent les onyx qui ornent le manche d’Aiguille, la lame de légende, elle se rappelle les derniers mots prononcés par sa mère avant de les quitter : « Le destin est cruel, Malénia. Comme la plus belle des soies, il se tisse, se noue et se rompt. »
D’un geste vif, Malénia brandit l’épée et se présente de flanc aux piques des javelines. Cette posture, la plus gracieuse, la plus risquée, mais aussi la plus mortelle, est sa signature. Lorsqu’elle donnera l’assaut, ses pas rythmés au son des lames qui s’entrechoquent et ses coups d’estoc presque imperceptibles la guideront vers la fin.
L’heure est venue pour les hommes d’admirer une dernière fois la danse venimeuse de Malénia, la Recluse, l’Invaincue.
Timothy