Chacun choisit trois mots dans des registres différents ; une matière, une sensation et un objet, et enfin un personnage de fiction. On compose ensuite une histoire avec ces éléments.
Le sol tremble sous le pas des titans. La forteresse de Riv ne tiendra pas un jour de plus. Alors qu’elle enfile sa combinaison de cuir
et boucle les dernières lanières de son équipement tridimensionnel, un sous-officier l’interpelle.
Elle est appelée au front, maintenant. Elle doit rejoindre ses anciens camarades de l’escadron ailé et mettre fin à la menace qui étripe et avale l’humanité, encore une fois.
Donc Mikasa
se lève, armée de ses huit lames et équipée de deux bouteilles de gaz, et elle ne prend la peine de lui répondre. Elle noue son foulard
autour de son cou et court vers la fenêtre. D’un pas vif, elle s’élance dans le vide
. L’officier, le regard admiratif se rue vers le précipice pour capter cet instant de bravoure et de force : l’aigle de Jaspe fond sur sa proie.
Sa liste : Cuir
, Sensation de chute
, Foulard
, Mikasa
Timothy
Il avait été complètement humilié. Il s’était retrouvé sur son séant étalé sur le bitume
. Il avait eu vraiment peur
en réalité. Il était allé au magasin d’huiles essentielles récupérer des produits en tout genre. Il avait mis du temps à choisir le parfum de sa future victime : cumin, lavande, vanille. Il ne fallait pas oublier la soude, cela participait à la décalcification. Il avait engrangé les objets de son futur crime avec patience et dévotion.
Quand il rencontra Batman
dans un coin de rue, il s’affala sur le sol. Batman le regardait de toute sa hauteur et sa prestance. Mais à part le toiser, il le dépassa sans y prêter réellement attention. Ce dernier bredouilla quelques mots : « savon
», « fabrique », « chimie »… mais Batman était déjà loin.
Il pouvait donc maintenant s’appliquer à choisir lequel de ses collègues de l’atelier de ce soir allait être sélectionné. Peut-être sur un coup de dés…
Sa liste : Bitume
, Peur
, Savon
, Batman
Carine V.
Le coup de poing ultrasonique asséné par le général Zod à l’homme à la cape rouge et au slip bleu fut tellement puissant qu’il déclencha un ouragan à l’autre bout du globe, en plus d’envoyer Superman traverser plusieurs immeubles.
L’homme d’acier, bien qu’à peine décoiffé, était tout de même passablement sonné. Il restait vautré sur une dalle de béton
, reprenant doucement ses esprits. Pendant ce temps, l’infâme Zod l’avait rejoint en voletant. Ce dernier déclamait un discours définitif que Superman
n’écoutait pas. Il était plongé dans ses pensées, se massant la mâchoire là où le poing du kryptonien félon l’avait atteint avec la vélocité d’un train à grande vitesse en retard sur son horaire.
Coupant son ennemi en plein milieu d’une envolée lyrique, il demanda :
— Tu as les mains particulièrement soyeuses
, Zod. Comment fais-tu ?
— Heu… Je… C’est sans doute le savon
que j’utilise. — Et ce parfum ! C’est quoi ? — Ben… Du vétiver, je crois. J’avais envisagé d’en acheter un parfumé à la menthe poivrée, ou au cèdre, mais…
Il n’eut pas le loisir de terminer sa phrase. Le super-héros l’étendit d’un magistral uppercut.
— Du vétiver, marmonna Clark. Quel manque de goût…
Sa liste : Béton
, Soyeux au toucher
, Savon
, Superman
Vincent Corlaix
Un lancé de cinq dés piochés au hasard dans les sets Primal et Actions des Story Cubes.
— Comment as-tu fait pour t’en sortir encore une fois ? C’est incroyable de réussir à échapper à ton triste sort à chaque fois. Croasse la grenouille.
— Que veux-tu, le talent… le talent !! Réponds le homard.
— Partageras-tu ta sagesse et un peu de ta chance avec moi ? Je n’aime pas trop l’idée d’être brulée vive, balbutie la grenouille.
— Ah, mais toi, ma belle batracienne, tu ne seras pas brûlée vive ! Tu seras écartelée, on t’arrachera les membres pour les faire revenir et sauter dans une poêle. Les humains raffolent des cuisses de grenouilles !
— Gloup ! la pauvre grenouille blanchit de peur.
N’en croyant pas ses oreilles, Lyra, la carte du restaurant La Grenouille Joyeuse, ouverte à la page des fruits de mer, la repose doucement sentant la nausée arriver.
Barbara A.
« Pitié ! Ne me mange pas ! » suppliais-je à genoux devant l’alligator. Il y avait pourtant un écriteau disant : ne pas donner à manger aux écrevisses.
Le son des tambours résonnait. Non mais, où étais-je tombée ? Elle qui passait sa vie sur Insta à faire la moue s’était retrouvée dans un corps d’homme ventripotent. OMG ! Comment allait-elle poster maintenant ? Où est passé son tel ? Elle se mit à genou, implora le ciel : Ne me fais pas ça !
Elle avait eu le malheur de dire oui à un vieux jeu vidéo avec des loosers du lycée et là voilà en train de pisser avec un tuyau inconnu devant un bassin de crocodiles. Mais what the fuck ! C’est quoi ce p*** de jeu de Jumanji !
Carine V.
Le casque audio vissé sur les oreilles, écoutant la 5e Brandebourgeoise à fond, il déambulait dans le parc. Devant l’étang aux écrevisses, il plongea la main dans sa poche puis lança la poignée de miettes qu’il en avait extraite. Les crustacés se ruèrent sur la pitance en même temps qu’une brigade des forces de l’ordre sur lui.
Plongé dans sa musique, il n’avait pas fait attention aux panneaux :
« Interdis de nourrir les écrevisses du 17 mai au 5 décembre de 14h30 à 18h25 (sauf les jours fériés) »
Il eut beau supplier, les représentants de l’ordre se montrèrent inflexibles.
— Ne me jetez pas aux crocodiles ! Par pitié ! pleurait-il.
— Il est fada, ce particulier, marmonna l’un des gendarmes. On n’est pas des monstres, non plus.
Mais, à cause de sa musique, il n’entendit rien, préférant se rouler à terre en criant des torrents de larmes, comme un bébé. Les gardiens finirent par s’en aller, se contentant de poser délicatement à côté de lui un reçu pour une amende de 45 euros.
Vincent Corlaix
Décrire ou raconter une histoire inspirée par l’image ci-dessous. Mais en y ajoutant un élément qui n’apparait pas sur la photo.
Il était rentré seul. Les bombes avaient remplacé les hommes peu à peu et s’étaient lentement amassées autour de lui.
Il était rentré le fusil sur l’épaule. Il avait vu disparaître ses camarades sur le champ d’honneur. Ces braves qui s’étaient battus de toutes leurs âmes avaient perdu leur dignité dans ce carnage. Il avait essayé de soigner ou de réparer, mais avait abandonné cette tâche au néant.
Il était rentré en marchant. Il ne pouvait plus entendre la musique des chars, ses roues qui s’égrenaient dans la cadence d’un piano. Il avait fui. Il ne pouvait plus sentir cette odeur de race qui cherchait à l’envelopper.
Il était rentré chez lui, la tête haute, un pas après l’autre, laissant derrière lui tout le poids de cette immondice.
Il était rentré seul.
Carine V.
L’homme marchait d’un pas mesuré, parcourant l’allée bordée de montagnes de sphères géantes. Un silence irréel régnait autour de lui. Pas un cri d’oiseau, pas une stridulation d’insecte. Que le crissement de ses pas qui résonnait étrangement et, s’il avait le malheur d’y prêter attention, sa propre respiration qui finissait par prendre tout son espace auditif.
Il se mettait alors à siffloter un air idiot, sans mélodie, juste pour casser ce silence dérangeant, et l’obliger à ne plus penser à rien.
Il n’avait pas atteint le milieu de la rangée qu’il parcourait quand un bruit attira son attention. Il s’écarta du centre de l’allée pour s’approcher des premières sphères. Puis, il tendit l’oreille. Il entendit un grattement provenant de l’intérieur de l’un de ces étranges ballons de béton.
Soupirant, il tira un carnet de sa poche pour y noter le matricule de la sphère, accompagné de la mention : « S’est réveillé ».
Puis, il reprit sa ronde, sifflotant à nouveau pour chasser toute pensée. Après tout, comme ses supérieurs le leur avaient dit au briefing du matin :
« Encore deux ou trois jours, et ce sera terminé. »
Vincent Corlaix