Programme de séance un peu particulier1.
On raconte une histoire inspirée par l’image ci-dessous.
J’ai acheté une maison en Dordogne. Un nouveau départ, une manière de me réinventer dans une région que je ne connais pas. Être un étranger, renaitre en quelque sorte. Je l’avais choisi sans savoir ce qu’elle contiendrait. Je n’avais aucun doute sur le fait que je me lancerai dans une aventure.
Dans cette maison, bien trop grande pour moi, je referai tout : mur, plancher, plafond et ameublement. En revanche, je ne toucherai pas une pièce, et ce sera celle-ci.
Pour survivre, une part de nous-mêmes - qui parfois ne nous appartient pas- doit rester intacte. Comme nos expériences, nos souvenirs et nos peines.
Je regarde par-delà la fenêtre le citronnier fleurissant. À la merci des intempéries, il grandira, fleurira et donnera chaque année de nouveaux fruits. Ses racines quant à elles ne silleront pas, comme cette pièce.
Timothy
Le vieil homme déambulait dans son grenier. La pièce sous combles offrait au regard un véritable capharnaüm. L’espace était empli d’objets dont les silhouettes se découpaient dans les rayons de miel des dernières heures d’un jour d’été.
Il y avait de tout ; des jouets pour différents âges, des diplômes, des trophées sportifs. Il y avait des malles de vêtements de toutes les tailles et genres, et même plusieurs vélos et des équipements sportifs.
Le vieillard couvrait tout cela d’un regard humide de tristesse et de nostalgie. Après une ultime caresse à la tête d’une peluche usée, il quitta définitivement le grenier pour redescendre dans la maison, en dessous. Un lieu blanc, clinique, vide, impersonnel.
Un lieu où lui-même n’existait déjà plus.
Vincent Corlaix
Le début de l’histoire est donné, il faut raconter ce qui se passe après.
Après ce qui s’est passé hier, j’aurais dû me douter de quelque chose. Et, ce matin, je me réveille 15 ans dans le passé…
(Les participants pouvaient à loisir choisir la durée du retour en arrière.)
Après ce qui s’est passé hier, j’aurais dû me douter de quelque chose. Et, ce matin, je me réveille 20 ans dans le passé…
Il fait froid, terriblement froid ! Et je n’ai pas pris mon manteau, bien entendu. Ce pouvoir est une vraie malédiction, et ses épisodes temporels finiront réellement par me tuer.
Je regarde alentour le temps de me situer. Une immensité gelée, je dois être sur un lac.
Des silhouettes comme sculptées dans le givre sont là, immobiles. Pas un brin d’air, pourtant, un blizzard a bien dû être à l’origine de la glaciation de ces hommes. Même leurs armes semblent s’être figées dans le sol. Quoiqu’il ait pu se passer, toute une armée semble avoir été interceptée.
Je suis peut-être chanceux sur ce coup-là finalement. Quelques heures de plus, et nul doute que cette tempête m’aurait fauché en plein vol, je n’aurai définitivement plus eu de raisons de me plaindre.
Le froid commençant à me saisir, je décide d’explorer.
Qu’est-ce que j’aurai donné pour un café, là maintenant, mais bon ce n’est pas le moment. Je dois trouver l’Éon, après tout, c’est en me documentant sur l’Ère glaciaire que j’ai fini par arriver là.
Soudain, alors que je peinais à me frayer un chemin parmi les glaives et les stalagmites, une plainte étouffée interrompt mon exploration. À peine perceptible, je tends l’oreille afin d’en discerner sa provenance.
Bien décidé à ne pas rester ici, je décide de suivre mon instinct et mon ouïe afin de retrouver l’origine de cette plainte, me frayant un chemin sûr parmi les stalagmites et les pointes des javelines.
À mesure que je m’approchais, le froid se faisait plus intense, l’air que j’expirai se transformait en brume. Puis enfin, après quelques minutes, je l’ai trouvé. Recroquevillé sur ses genoux, le front contre le buste d’un soldat et le visage marqué par le sang qui n’était pas le sien. Il ne neigeait pas jusque-là, et les épais flocons se posaient délicatement sur les épaules de cet homme comme une vaine tentative de calmer ses sanglots déchirants.
Sa beauté me laissa sans voix, la chevelure lavandin, les yeux d’un azur perçant et plus profond qu’un glacier. Et enfin, la marque des maudits, comme un baiser funeste, au niveau de son cou.
Il ne dit mot à ma vue, et si les légendes disent vrai, c’est à compter de ce jour qu’il restera muet à tout jamais.
Alors que mon regard se posa dans le sien, la légende me revint en mémoire :
« Celui dont le chagrin a condamné les hommes à errer dans le froid, en proie aux morsures incessantes de l’Hiver qui n’en finira plus.
Celui dont la blessure ne guérirait jamais et qui, l’âme meurtrie, cristallisa les terres et le temps.
Celui dont la seule flamme capable d’embraser son corps fut celle dans les yeux de son amant.
Celsius. »
Timothy
Après ce qui s’est passé hier, j’aurais dû me douter de quelque chose. Et, ce matin, je me réveille 20 ans dans le passé…
Ça, évidemment, c’est bien un coup de mon pote Bernard. Celui qui bosse dans un labo ultra-secret à la James Bond. Hier, on a fait une soirée à la cool, à refaire le monde autour d’une bouteille de… non, deux bouteilles de… je crois qu’on en a vidé trois, finalement. Bref, à un moment, il a sorti un drôle de cachet, un truc vert malsain. « Un prototype » qu’il m’a raconté. Je l’ai gobé, comme un con. C’était complètement irresponsable, totalement inconscient de ma part. Ça aurait pu être du GHB, pour ce que j’en savais.
Et, ce matin, moi et le monde entier, l’univers même, on a rajeuni de 20 ans ! Bon. Premier truc à faire : chopper Bernard et lui demander de s’expliquer. Non, attend… 20 ans en arrière, il faisait quoi, ce maboul ? On était encore au lycée, je crois. Et puis, si je suis le seul à avoir pris ce cachet, je dois aussi être le seul à me souvenir du futur, non ? Pour le reste du monde, c’est le présent, ce passé. Enfin, je me comprends…
Que faire ? J’ai une idée ! Si je parviens à décourager dès maintenant Bernard de choisir une autre voie que les sciences, il n’inventera jamais son bonbon temporel. Et, du coup… heu… ça ne va pas créer un genre de paradoxe ? Un truc délirant façon « qu’est-ce qui se passe si je tue mon propre grand-père ? » Bon, sauf que mon grand-père est déjà mort depuis 10 ans, à cette époque.
Le temps passe, je tourne en rond, je deviens fou. Qu’est-ce que je vais faire, coincé ici et maintenant ? Repasser mon bac ? Prendre des actions Apple ©™® ? Et puis…
Et puis, après une dizaine d’heures à flipper en tournant en rond, le produit a fini par se diluer. L’effet s’estompe. Me voilà de retour maintenant, à la bonne époque. Ouf ! Plus de retour dans le passé, juste une monumentale gueule de bois.
Vincent Corlaix
Malgré tout ce que vous pouvez en penser, vous voilà chargé d’une mission cruciale : il faut, par tous les moyens, sauver Christian.
Ça, c’est une idée !
On pourrait même en faire un film, tiens, comme « Sauvez Willy » !
Puis, lorsque Christian prendra de l’élan, tu sais la scène mythique là, il prend de l’élan dans le bassin pour survoler l’obstacle au-dessus du gosse. Trouver la liberté dans l’océan avec ses semblables, être libre. Bah là je vois bien Christian prendre de l’élan pour s’éclater sur la digue ! Ouais ça s’est bien, puis après du coup, parce que faudra meubler pour les spectateurs, on fera une avance « moyennement » rapide de Christian gisant sur les rochers jusqu’à mourir d’épuisement. 20 Minutes de plan là-dessus, ouais c’est parfait !
Une fin décevante pour un homme décevant !
J’irai voir ce film ! Toutes les femmes devraient voir ce film !
Au moins, elles ne perdront qu’une heure et demie de leur vie.
Timothy
Je n’en peux plus. Vraiment, je n’en peux plus ! Oui, je sais. Tout le monde croit qu’être agent de terrain au Bureau Interministériel Temporel est une sinécure. J’ai tout entendu à ce propos ; tricher au loto, aller tuer Hitler, convaincre Buddy Holly de ne pas prendre l’avion, prendre un max d’actions Apple ©™® au début des années 80, etc. Bien entendu, vous pensez bien que notre travail est hyper règlementé et ultrasurveillé.
Mais ma mission du moment, c’est de sauver un certain Christian. Un type que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, mais qui s’est fait bêtement trucider il y a deux jours.
J’ai tout tenté, mais ce mec semble porter une poisse phénoménale. Je neutralise le braqueur qui l’a poignardé, et il se fait écraser par un chauffard. Je dévie la circulation routière, et il se prend un parpaing sur le coin de la boite crânienne. Je sécurise le chantier, et il se fait mordre par un chien enragé. J’emmène la bête chez le vétérinaire, et mon Christian parvient à se faire enlever par une faction de taliban…
J’ai fini par en parler à ma direction. Ils m’ont expliqué qu’ils comprenaient, qu’ils étaient au courant de cette particularité. On m’a même octroyé une prime pour mes peines, mais j’ai dû faire la promesse de continuer à tenter de sauver ce Christian.
Ils m’ont dit que c’était vital pour une sorte de secte bizarre appelée la Scribulerie. Mais je n’ai pas le droit d’en savoir plus.
Vincent Corlaix
On s’est trompé d’univers ! Un personnage de fiction se retrouve dans une autre œuvre. À vous de raconter ce qu’il arrive.
Dorothy sautillait gaiement, son chien Toto dans les bras, en compagnie de ses amis ; le gros lion peureux, l’épouvantail sans âme et l’homme en fer blanc sans cœur. Ce dernier l’inquiétait un peu, elle devait se l’avouer. Il marchait lentement, faisait un boucan de tous les diables, ne souriait jamais et ne parlait presque pas. Il se contentait d’observer autour de lui en faisant grincer ses mécanismes, comme s’il guettait quelque chose.
Lorsque la méchante sorcière de l’Ouest surgit devant eux dans une explosion violette, l’homme en fer blanc dégaina en un éclair un énorme pistolet, et vida son chargeur en rafales sur la vieille femme, faisant voler des giclées de sang et de chair.
Quand le calme fut revenu, Dorothy contempla avec horreur la silhouette désarticulée gisant sur la route de briques jaunes qui virait au rouge artériel.
— Mais, enfin, homme de fer blanc, sanglota Dorothy. Qu’est-ce que… ?
Rengainant son arme à l’intérieur de sa cuisse, il se tourna vers la jeune fille.
— Mes amis m’appellent Murphy.
Il avait été prévu des jeux suivant une thématique. Mais comme nous avons dû attendre quelques retardataires, il a été décidé de commencer à écrire sur autre chose. Finalement, la séance s’est déroulée en quasi improvisation.↩︎