D’un mot-valise inventé, une absurDéfinitionchoisie individuellement par chaque participant, imaginer sa définition et la mettre en scène.
Hatoko contemple le bocal avec attention. Avec son père, ils ont veillé au grain depuis le printemps dernier. Tous les petits œufs bleutés devraient éclore cette nuit.
Elle le soulève délicatement et regarde le pendule, dans quelques minutes elle devra être prête. Son pyjama enfilé et son écharpe bien nouée autour du cou, elle rejoindra son père posté devant la porte du jardin. C’est aux aurores, bien installée près du Lac qu’elle ouvrira l’opercule.
Elle viendra toutes les nuits pour ne rien manquer. Elle les verra éclore, grandir et virevolter dans les airs jusqu’à la dernière nuit.
Alors les rives du lacs s’illumineront de mille éclats scintillants dont les villageois pourront en admirer les reflets pétillants à la surface de l’eau. Le spectacle sera époustouflant et ne durera qu’un instant.
Un temps pour naitre, un temps pour mourir… puis tout recommence.
Son mot : Lumilinaire
(n.m.) : Événement annuel au cours duquel l’on célèbre la reproduction des lucioles. Pour l’occasion, toutes les lumières citadines sont éteintes la semaine suivant le Lumilinaire afin de ne pas perturber le phénomène naturel. Bonheur, chance et prospérité sont promis aux habitants qui réussissent à récupérer les œufs afin de perpétuer le cycle l’année qui suit.
Timothy
C’était une sorte d’obsession, de maladie mentale qui la rendait hypocondriaque. Elle s’était entichée d’un jeune et beau cardiologue, tout juste diplômé, mais déjà mûr comme un Georges Clooney pas encore encapsulé. Inconsciemment, elle feignait toutes les maladies cardio-vasculaires qu’elle pouvait trouver sur Doctolib pour parvenir à un seul but : se retrouver dans les bras du cherurgien de son cœur.
Son mot : Cherurgien
(n.m.)
Vincent Corlaix
On raconte une histoire inspirée par l’image ci-dessous.
Je cligne des yeux, éblouie par la lumière d’un soleil inconnu. Je tousse, l’air est différent à l’extérieur, après avoir passé des décennies enfermée dans une atmosphère aseptisée, le mélange d’oxygène, de gaz carbonique et d’azote me semble anomal à respirer. Je foule la terre de mes pieds, cette terre si longtemps ignorée.
J’ai été envoyée en éclaireur, pour eux c’est une punition, mais moi j’y vois une opportunité, celle d’échapper à ce monde codifié à l’extrême. J’ai lu tous les journaux de maman, j’ai étudié la vie sur terre telle qu’elle l’a connu. Ce que je vois n’a rien de commun avec les photos que j’ai trouvé, tout est terne, désolé et silencieux. J’ai peine à croire que la vie régnait ici.
Malgré tout je suis heureuse de marcher seule, libre, sans surveillance aucune. Je m’attarde et au détour d’une ruelle, j’aperçois un vieux portillon bleu délavé. Le cœur battant la chamade, je sors de ma poche un des journaux, je reconnais ce portail. Je cherche la photo parmi les pages jaunies du carnet. Enfin, mon regard tombe dessus, le portail était d’un beau bleu lumineux, c’était sa maison. Je pousse la porte, la même scène de désolation qu’ailleurs, un tricycle renversé, sur le côté, un couffin abandonné, une vieille couverture élimée. M’apprêtant à repartir, un mouvement sous l’édredon m’arrête.
Je m’approche précautionneusement, soulève le tissu et entrevois deux yeux jaunes.
Barbara
Ceci est la « petite » histoire du panier en osier qui un jour fut perdu puis le lendemain retrouvé.
C’était il y a une dizaine d’années maintenant. Mon père m’avait expliqué la raison pour laquelle Joshua n’irait plus à l’école, jamais.
« Il nous l’enlèverait et lui ferait du mal. Nous ne pourrions plus le voir. Joshua doit rester chez nous, auprès de sa famille et des gens qui l’aiment. On doit l’aider, tu comprends ? »
Et effectivement, Joshua était différent.
Il craignait tout et s’inventait des maladies qui n’existaient pas. Ces maladies le terrifiaient et l’empêchaient d’avoir l’enfance paisible de tout enfant de son âge. Ma sœur déployait des trésors d’imagination et de bienveillance afin de le guérir de ces maux.
Un jour cependant, Ana, ma sœur attrapa la scarlatine et après des semaines de luttes, son corps abandonna. Elle nous quitta sans un bruit durant la nuit.
Avec le temps, je me dis qu’elle n’avait peut-être pas chassé les tourments de mon frère, mais les avait faits siens, jusqu’à ce qu’ils aient raison d’elle.
Nous ne savions pas vraiment comment mon frère réagirait, c’était si soudain. C’est le soir de sa mort que disparurent mon frère et le panier en osier dans lequel ma mère nous transportait. Nous avons passé beaucoup de temps, si ce n’est presque toute la nuit, à battre la forêt afin de le retrouver, en vain. Les villageois étaient persuadés que ce dernier s’était enfui dans la forêt (attenante à notre maison, elle semblait le refuge parfait pour s’éclipser). Ma mère a bien cru devoir faire face à la perte de son deuxième enfant.
Finalement, c’est moi qui l’aie retrouvé. J’ai décidé de partir loin de la forêt, mon frère, trop peureux, n’aurait pu se réfugier au cœur de cette dernière. C’est dans une grange abandonnée, aux abords de la rivière que j’ai fini par le retrouver.
Sous la vieille charpente se trouvaient tous ses talismans. Son vélo sur lequel il n’a jamais pu monter, le chandelier dont ma mère s’est séparée et le panier en osier. Suivant mon intuition je me suis approché de ce dernier et jetant mon regard à l’intérieur, je l’ai retrouvé.
Au mouvement de son torse et à son souffle, je compris qu’il dormait. Il s’était recroquevillé contre ses genoux et s’était recouvert des petits bouts de papier qu’Ana lui avaient donnés.
Tous, jusqu’au dernier.
Timothy
Nous n’étions partis que quelques heures. Nous avions laissé Simon, notre adorable bout de chou à mes parents. C’était le début de l’après-midi, le soleil d’été tapait fort, et les grands-parents avaient emmené leur petit-fils dans son berceau dans la fraiche ombre de la grange en attendant que nous revenions de notre promenade.
Quand était-ce arrivé ? Par où sommes-nous passés ? Quel phénomène extraordinaire a eu lieu autour de nous ? Nous n’en savons toujours rien. Mais, lorsque nous sommes revenus, nous n’avons trouvé que ruines et abandon. Seul témoignage que nous n’avions pas sombré dans la folie : le couffin de Simon gisait, oublié, au milieu des gravats et de la poussière.
Nous n’étions partis que quelques heures. Mais, pour le reste du monde, des siècles s’étaient écoulés.
Vincent Corlaix
Chaque participant choisi deux à trois cartes Dixit dans la collection offerte. On rédige ensuite une courte histoire mettant en scène des éléments figurant sur les cartes.
Il était une fois dans un royaume lointain, une nymphe des bois nommée Daphnée. Choisie par les dieux, la jeune fille préfère la métamorphose plutôt qu’une vie de servitude auprès d’un dieu, si puissant soit-il. En guise de punition, elle fut condamnée à se transformer lentement, des années durant. Pour tromper son ennui, Daphnée prit l’habitude de raconter des historiettes aux enfants des villages voisins. Ysée adore les anecdotes de Daphnée, la dernière parlait d’une jeune princesse dont les fées marraines se disputaient sans cesse les dons. La première la voulait intrépide, vive et rusée ; la seconde voulait la doter de la beauté, la connaissance et d’une belle voix.
Tic, tac, la jolie princesse ne serait dotée de rien si les deux sœurs n’arrivaient à se mettre d’accord.
Tic, tac, le temps que Daphnée finisse son histoire, ses membres se muaient en branches et son visage se figeait peu à peu…
Tic-Tac, « Ysée, il est temps d’aller dormir » cria sa maman.
Tic-tac, la fillette referma le grimoire d’où s’échappaient quelques feuilles de chêne.
Barbara
Dans ma tête vit un petit clown. C’est un imposteur, je le sais.
Il n’a pas de belles histoires à raconter et n’a pas le comique qui sied à son art. Il se contente de vagabonder dans le désert dans lequel vous ne le verrez jamais marcher.
Comment je le sais ?
Bah il laisse des traces, partout où il marche, le sable reste imprégné de son humeur :
Lorsque j’essaie de le surprendre, il se dépêche de monter sur son croissant de lune de fortune et me fixe, l’air stupéfait, brandissant son panneau sur lequel un grand sourire y est dessiné. Dans un sens il est comique je vous l’accorde.
C’est qu’il ne veut jamais me parler en plus ! Je lui pose des questions, mais tout ce qu’il fait c’est d’acquiescer et mimer la stupeur, le même panneau usé couvrant ses lèvres.
Mais moi je sais qu’il est doté de la parole. J’en ai la preuve.
Sa voix est un écho cristallin, une volupté cendrée qui berce mes nuits et dont ne reste au petit matin que de la poussière au creux de mes oreilles.
Timothy
N’écoutez pas tous ces gâcheurs de rêves qui prétendent savoir ce que sont le jour et la nuit, le soleil et la lune et tous les astres au-dessus de nos têtes. Ils racontent n’importe quoi.
Le jour cède le pas à la nuit sous le doux pinceau du Petit Peintre Céleste. Inlassablement, il couvre le paysage de sa crépusculencre, étalant un lavis de nuit sur le pays qui s’endort paisiblement. Et puis, lorsque son tableau est achevé, il regagne en bâillant sa barque dorée et va, guidé par la nuée d’oiseaux blancs scintillants, prendre sa place au firmament.
Son embarcation en forme de croissant s’entoure alors des oiseaux-étoiles qui, roulés en boule, bec sous l’aile, s’endorment eux aussi , cotonnant le ciel nocturne de flocons de lumière.
Vincent Corlaix